La soirée du Premier Gala de l’Adisq 2024 a eu lieu fin octobre à Montréal. Deux musiciens québécois, Nicolas Boulerice et Olivier Demers, ont été nommés dans la catégorie « Album de l’année – Traditionnel », avec leur nouvel album Art populaire, alliés pour l’occasion à un musicien acadien, Robert Deveaux. Dans un mode épuré à trois voix, deux violons et une vielle à roue, le trio a rendu un hommage remarqué aux chansons traditionnelles de l’Acadie et du Québec. Cette première nomination à un Gala de l’Adisq a procuré à Robert une grande fierté. Il réalisait alors son tout premier enregistrement, avec ces deux membres fondateurs du groupe québécois de renommée mondiale Le Vent du Nord. De plus, il avait été propulsé dans la même compétition que son modèle, le groupe québécois La Bottine Souriante, gagnant du trophée cette année-là, dont il rêvait de s’inspirer depuis l’enfance. Et pour ce chanteur et violoneux acadien dans le style celtique du Cap-Breton, cette nomination présageait une consécration personnelle toute proche…
Un passionné de chanson traditionnelle acadienne
Revenons d’abord brièvement sur le parcours de Robert Deveaux. Originaire de Saint-Joseph-du-Moine, près de Chéticamp, Robert a une solide formation universitaire. Diplômé de l’école NDA, à Chéticamp, il est titulaire d’un baccalauréat ès arts de l’Université Saint-Francis-Xavier, à Antigonish. Mais son véritable univers, c’est la musique, à laquelle il consacre, depuis l’âge de 15 ans, la plus grande partie de son temps de travail. Au Cap-Breton, il a notamment joué du violon avec les artistes les plus réputés du style ou les a accompagnés au piano. Cependant, c’est son autre passion, la chanson traditionnelle acadienne, qui vaut aujourd’hui à Robert une belle reconnaissance dans sa province…
Début novembre 2024, à Halifax, Robert Deveaux a reçu le prix Grand-Pré pour la création en Nouvelle-Écosse. Ce prix reconnaît les artistes « dont le travail reflète les valeurs culturelles acadiennes tout en faisant preuve d’excellence et d’originalité ». Et en effet, Robert travaille inlassablement, depuis des années, à faire revivre les vieilles chansons populaires françaises de Chéticamp, originaires des anciennes provinces de France. En les puisant dans les archives des folkloristes renommés comme le père Anselme Chiasson ou Helen Creighton, il perpétue la mémoire de ces chansons qui ont conservé, selon l’ethnologue Ronald Labelle, une fraîcheur étonnante. Ses deux amis québécois ne s’y sont pas trompés, en voyant en lui un gardien important de cette tradition vivante, depuis leur première rencontre en 2004 au festival Celtic Colours. Ils avaient déjà mis en lumière plusieurs des chansons que Robert leur avait choisies dans les archives acadiennes. Et si leur album Art populaire est presque entièrement composé de chansons traditionnelles acadiennes, c’est bien parce qu’ils voulaient honorer le travail de leur ami.
Incontestablement, l’année 2024 a délivré un formidable message d’encouragement à Robert Deveaux. Pourtant, Robert voit encore plus loin, en cherchant à resserrer les liens avec les autres communautés francophones d’Amérique, afin que leur langue et leur culture soient préservées et s’épanouissent. En constatant que ces communautés partagent un large patrimoine musical hérité d’une histoire française commune, Robert est convaincu que la passion de la chanson traditionnelle est un outil essentiel pour résister à l’assimilation.
Photos Guillaume Morin, page FB Festival Mémoire & Racines 2024, gracieuseté de Robert Deveaux.
Jean-Marc Agator
Paris, France